Dis Lilie

La socio-coiffure : redonner confiance et estime de soi aux personnes fragilisées

La socio-coiffure est une approche de coiffure axée sur le soin, visant à accompagner les personnes fragilisées par la maladie, la vieillesse ou le handicap. J’ai reçu Marjorie de Amarsi SocioCoiffure,  pour en apprendre davantage sur son métier, son parcours et les bienfaits de la socio-coiffure pour les personnes atteintes de cancer ou de maladies entraînant une perte de cheveux.

Nous abordons également le déroulement des séances, les précautions à prendre, les difficultés rencontrées et l’avenir de la socio-coiffure.

Socio coiffure une aide pour la perte de cheveux

En quoi consiste exactement le métier de socio-coiffeuse ?

Le métier de socio-coiffeuse consiste à offrir une approche de la coiffure axée sur le soin. Il s’adresse à un public fragilisé par la maladie, la vieillesse, le handicap, voire l’exclusion et la précarité, des réalités souvent oubliées.

C’est une population pour laquelle les salons de coiffure ne sont pas adaptés en raison de divers facteurs environnementaux, financiers et sociaux. Par exemple parce que les salons ne sont pas toujours adaptés aux transferts avec un fauteuil roulant. Les services peuvent représenter un budget conséquent. Egalement, il y a une appréhension liée au regard des autres et à l’image reflétée dans le miroir.

En tant que socio-coiffeuse, mon rôle est d’accompagner ces personnes dans leur globalité. Par une approche déontologique, puisque ma certification de socio- coiffure me soumet au secret professionnel. Mais aussi psychologique à travers la gestion des émotions et une démarche de communication simple.

Notre objectif est de redonner confiance et estime de soi, ainsi que de contribuer à la reconstruction identitaire à travers les cheveux. J’aborde les ressentis et les émotions liés à la maladie et à la perte de cheveux, en prenant en compte ce qui est important pour chaque personne dans son quotidien, afin de maintenir son autonomie et son rituel de coiffage.

Comment en êtes-vous arrivée à exercer ce métier ?

En janvier 2021, j’ai vécu une expérience marquante qui a été le point de départ de ce choix. J’ai perdu un client que je coiffais depuis trois ans. C’était à la sortie du second confinement, à un moment où il ne savait pas encore qu’il était malade. Malheureusement, je ne l’ai plus jamais revu par la suite.

Quand tu travailles dans un métier de relationnel, il y ‘a des connexions qui se font avec des gens et tu ne sais pas pourquoi!  Perdre ce client à été vraiment un choc. 

Ce client à été le déclencheur. C’est là que j’ai compris que je voulais vivre autre chose avec mon métier.

J’ai travaillé pendant près de 20 ans dans des salons de coiffure de franchises prestigieuses, et je ne regrette pas cette expérience qui a été une excellente école pour moi.

Cependant, les confinements  m’ont permis de faire une pause et de me recentrer sur mes aspirations. Pendant cette période, les coiffeurs étaient considérés comme non essentiels . A la sortie, on s’est retrouvé dans une cohue, tellement les gens avaient besoin de nous. 

Et puis, comme les structures d’accueil en soin de support étaient fermées, on a eu beaucoup de personnes qui ne savaient pas à qui s’adresser et qui venaient nous voir parce qu’ils allaient perdre leur cheveux. Ils avaient vraiment besoin de réponse. 

Donc là j’ai entamé des recherches de formation et de financement. Il existe une seule école de socio-coiffure en France, c’est la Socio Academy à Anglet. Elle existe aussi à Paris et à Lyon. 

Quels sont les bienfaits de la socio-coiffure?

Les bienfaits sont multiples, je dirais. Ils peuvent être physiques, comme le fait d’apprécier d’être touché sur le cuir chevelu. Il est important de noter que le cancer n’est pas contagieux, contrairement à ce que certaines personnes peuvent parfois penser. Notre action peut démontrer cela, tant pour le bien-être du malade que pour celui de son entourage. Un autre aspect intéressant à aborder est l’estime de soi, mais ce sujet est vaste et propre à chaque individu.

Apres tout, lorsqu’on reçoit une attention de quelqu’un, même anonyme, ne nous sentons-nous pas bien ? Ne sommes-nous pas envahis d’un sentiment de gratitude et de respect ?

Sur le plan physiologique, nous pouvons parler de dynamiser la microcirculation du cuir chevelu par le modelage crânien, afin de  reconstruire la fibre capillaire.

De plus, on peut appliquer des argiles ou huiles végétales pour détoxifier ou hydrater le cuir chevelu.

Les bienfaits de la socio-coiffure

Comment se déroule une séance de socio-coiffure?

Ensemble pendant environ une heure, le patient peut discuter de ses cheveux, de lui-même et de sa façon de vivre la perte de cheveux. Nous abordons également les alternatives possibles. Je reste présente à chaque étapes.

A première rencontre, je recueille des informations sur le patient afin de connaître son protocole de soin. Si il maintient son activité professionnelle, si justement son employeur est au courant. Comment il est accompagné, avec son entourage et comment il envisage la perte de cheveux.

Je rassure le patient sur le fait que je suis soumise au secret professionnel et que rien ne sera rapporté .

J’ai également besoin de savoir à quelle fréquence il aura ses séances de chimiothérapie pour prévoir la perte des cheveux s’il doit y avoir. Si l’utilisation d’un casque réfrigérant est prévue, toutes ces questions afin d’adapter au mieux mon suivi.

Y a-t-il des précautions particulières à prendre lors de la séance?

Non, si ce n’est de faire attention aux différents aspects psychologiques que vit la patiente.

Il est important de prendre en compte qu’on lui a annoncé une maladie grave, ce qui constitue un choc violent. Face à cela, il faut adapter sa posture professionnelle avec bienveillance et empathie.

La perte des cheveux est souvent l’image que l’on associe au « cancer », et certaines personnes veulent la cacher. Tandis que d’autres souhaitent l’assumer, et c’est tout à fait normal.

En tant que professionnelle, c’est mon devoir de m’adapter à toutes les demandes.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontée dans l'exercice de votre métier ?

Très bonne question!! En ce qui concerne les patients, je dirais qu’il n’y a pas vraiment de précautions spécifiques à prendre. Les traitements peuvent fatiguer les patients et parfois affecter leur niveau de vigilance. Cela peut entraîner des rendez-vous oubliés si je ne les leur rappelle pas. Cependant, pendant les séances, pour le moment, je n’ai pas été confrontée à de grandes difficultés. Les patients accueillent très bien les services de socio-coiffure, et cela est même encouragé. Beaucoup me disent : ‘Mais pourquoi on ne nous a pas parlé de ça à l’hôpital?’

Ce qui est plus complexe, c’est de faire entendre notre valeur auprès des établissements de santé en tant que socio-coiffeurs. Nous cherchons à améliorer l’expérience des patients hospitalisés en renforçant leur estime de soi grâce à la prise en compte de leurs cheveux. Cependant, dans un contexte économique difficile, cela peut s’avérer compliqué.

Nous sommes également présents pour les soignants, en leur permettant de prendre soin d’eux-mêmes, afin qu’ils puissent donner autant qu’ils reçoivent.

Ainsi, j’invite tous les patients qui bénéficient d’une séance de socio-coiffure à en parler autour d’eux, ainsi qu’à leur médecin oncologue.

Tendre la main

Comment faites-vous pour accompagner les personnes sur le plan émotionnel ?

Mon expérience de coiffeuse m’aide beaucoup pour cela. Parfois, les clients expriment leurs émotions rapidement, mais parfois, je dois engager la conversation pour comprendre leurs inquiétudes, joies, stress ou tristesses. La gestuelle est également un bon indicateur.

Dans certains cas, il peut y avoir du déni, et si cela se produit, je les oriente vers un autre accompagnement, comme un psychologue, un sophrologue ou qu’ils revoient leur médecin, bien que cela ne me soit pas encore arrivé.

Pour certaines patientes, la perspective de perdre leurs cheveux est difficile à accepter. Je les aide en leur rappelant ce que leur médecin leur a dit, en discutant de leurs traitements et de leur fréquence, et en essayant de les préparer à cette éventualité.

Je pars du principe de respecter les informations fournies par le médecin et je ne prétends pas détenir de vérité absolue. Ainsi, nous travaillons étape par étape, en fonction de leurs besoins et de leurs émotions.

Pour celles qui sont plus à l’aise avec la situation, nous parlons d’autres sujets, comme leurs projets ou leur famille.

Comment voyez-vous l'avenir de la socio-coiffure ?

J’aimerais que dans les futures années, les soins de support deviennent obligatoires dans tous les établissements de santé, les EHPAD et les maisons d’accueil spécialisées. Nous devrions être considérés comme essentiels dans la prise en charge du patient, ce qui, selon moi, permettrait de soulager la charge des personnes soignantes. Pour une personne dite « normale », aller chez son coiffeur est plus que nécessaire. On dit souvent que nous sommes les meilleurs psychologues, et cela devrait être remboursé par la Sécurité Sociale.

Alors, imaginez pour une personne vivant toujours dans le même établissement, dans la même pièce de 12 mètres carrés, suivant toujours le même rythme, où recevoir de l’attention du personnel soignant devient compliqué en raison du manque de personnel et de temps. Les soins sont souvent vite pratiqués, avec un toucher pas toujours des plus doux et agréables. Ces personnes ont peu de visites et peu d’intérêt de la part de la société. Ne serait-ce pas là qu’il faudrait inclure les soins de support et la socio-coiffure, comme recevoir un shampooing au lit et une coupe de cheveux régulière, sans attendre une occasion comme Noël ou l’anniversaire pour que le patient reçoive une attention exceptionnelle ? Pourquoi ne pas faire de cela quelque chose de normal ? Parce que nous avons tous besoin d’être pris en considération avant de paraître.

Vous pouvez retrouver et contacter Marjorie sur son instagram.

Et comme j’ai pleinement conscience de la difficulté de lire un pavé pareil lorsqu’on est fatigué. Nous avons décidé de vous tourner une petite vidéo interview. Je vous l’ajoute ici très vite.

Pour tous les autres petits plus qui améliorent le mental: Rubrique Dédiée